Les débuts littéraires de Bella Akhatovna Akhmadoulina, en 1955, coïncident avec une période de dégel politique et social en URSS. En dépit de son non-conformisme et de la publication de certains de ses textes à l’étranger, au mépris de la censure, elle n’a été exclue de l’Union des écrivains que temporairement. Mais la critique soviétique a longtemps dédaigné son œuvre. On trouve dans ses recueils une grande variété de thèmes, l’amitié, rarement l’amour, et surtout la nature, lieu d’éveil et d’écriture. Dans le long poème « Histoire de pluie », la pluie est l’allégorie de l’inspiration. Son recueil de 1983, Taïna (« le secret »), définit la mission du poète ainsi : transcrire la beauté de quelques instants « miraculeux ». La dimension métapoétique est souvent présente dans ses textes, par des dialogues et des allusions aux poètes Anna Akhmatova, Marina Tsvetaïeva, Alexandre Pouchkine et Innokenti Annenski, dont elle se réclame. Comme chez A. Akhmatova, la structure de ses recueils – titres, agencement des poèmes – est travaillée pour former une trame narrative : la quête de la floraison entamée dans Taïna est poursuivie dans Sad (« le jardin », 1987) – la voix lyrique se déplace alors vers Moscou – et achevée dans Larets i klioutch (« le coffret et la clé », 1994), où reviennent les images des eaux primordiales des débuts poétiques. Dans ces mêmes recueils, ainsi que dans Oznob (« le frisson », 1968) et Nedoug (« la maladie », 1995), elle a développé le thème des affections. À la fièvre qui dévore le je lyrique s’ajoute la peinture des mourantes à l’hôpital et celle de pathologies sociales. Son style est marqué par la tendresse : l’élan lyrique est toujours contenu, raisonné par l’ironie, la dérision ou la modestie. Elle a également composé des textes autobiographiques en prose, notamment Moïa rodoslovnaïa (« ma généalogie », 1964) et un volume de Mémoires.
Marie DELACROIX