Candida Höfer est l’une des photographes conceptuelles les plus importantes de la seconde moitié du XXe siècle. Fille du journaliste Werner Höfer, elle intègre la Staatliche Kunstakademie de Düsseldorf, suit aussi des cours de cinéma sous la férule d’Ole John, puis devient l’élève de Bernd et Hilla Becher* jusqu’en 1982. Ce duo d’artistes, qui renouvelle profondément le genre photographique dans les années 1970 en prônant l’objectivité et la distanciation, influencera durablement le groupe de l’École de Düsseldorf (Andreas Gursky, Beat Streuli, Thomas Struth, Thomas Ruff), à laquelle W. Höfer appartient. Entre 1973 et 1979, elle réalise un diaporama intitulé Turken in Deutschland, où elle documente avec compassion le mode de vie des nouveaux travailleurs immigrés. Suivant la pratique conceptuelle des Becher, elle abandonne par la suite toute narration et détourne son objectif de l’individu pour élaborer un catalogage des lieux publics, à commencer par des intérieurs urbains, et essentiellement des bureaux. Nombreux critiques soulignent, à ce titre, la portée sociologique de son œuvre, qui met alors en scène un mobilier d’entreprise – des chaises et des tables rigoureusement alignées dans un décor aseptisé. Parallèlement, la photographe dresse l’inventaire des institutions patrimoniales, qu’elles soient culturelles ou cultuelles. Elle édite ainsi plusieurs monographies qui recensent diversement les bibliothèques et les archives historiques, les églises baroques du Brésil, les salles prestigieuses du musée du Louvre, les scènes de théâtres et d’opéras à travers le monde. Son style photographique se caractérise par un traitement frontal d’un espace architectural inhabité. À la manière d’un peintre du Quattrocento, elle place le point de fuite précisément au centre de son image. L’impression de profondeur, saisissante, est souvent doublée d’un effet de miroir, de dédoublement du plafond au sol, comme dans Trinity College Library Dublin I (2004). Chaque prise de vue est faite à la chambre argentique, en couleur, sans adjonction de lumière artificielle. Dans ce long et rigoureux travail d’archivage, chaque photographie ne peut s’appréhender réellement que dans son appartenance à un corpus beaucoup plus vaste. C’est une œuvre universelle que nous livre l’artiste, à la fois contemplative et atemporelle, mais qui porte en germe un risque de perte, de disparition. C. Höfer participe à la Documenta 11 de Kassel en Allemagne en 2002. L’année suivante, elle représente l’Allemagne à la Biennale de Venise, au côté de Martin Kippenberger. Sa première exposition personnelle se tient en 1975, à la galerie Konrad Fischer à Düsseldorf. Depuis, plusieurs musées lui ont consacré des expositions monographiques.
Pauline GUÉLAUD
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions