Les questions d’identité raciale, de classes sociales et de genre sont au cœur de l’œuvre d’Ellen Gallagher, qui se décline en peintures, dessins, collages, et plus récemment en vidéos. Née d’une mère américaine d’origine irlandaise, auprès de qui elle grandit, et d’un père afro-américain, cette artiste a été confrontée très tôt à l’idée d’appartenance et aux relents d’un racisme latent. Elle étudie à l’École du musée des Beaux-Arts de Boston (1992), puis à la Skowhegan School of Painting and Sculpture de New York (1993). Son approche de l’identité raciale passe, dès le début des années 1990, par un recours à l’histoire culturelle. Elle s’intéresse notamment au blackface minstrelsy, spectacle musical américain né au XIXe siècle, où des chansonniers se noircissent le visage. Dans Pomp-Bang (2003), elle juxtapose des figures tirées d’images publicitaires de magazines pour femmes afro-américaines (vantant les mérites de crèmes de dépigmentation ou de produits capillaires défrisants) imposant des archétypes de beauté, qu’elle coiffe d’une perruque de plasticine jaune, et dont elle a évidé les yeux, transformant ainsi ces personnages en quête de beauté en êtres monstrueux. Proches des œuvres minimalistes d’Agnes Martin* (1912-2004), ses peintures semblent à première vue abstraites, mais en les observant plus scrupuleusement, on y trouve des agrégats d’yeux ou de lèvres charnues, issus des représentations caricaturales de musiciens noirs dans les comics américains. E. Gallagher s’est plus récemment intéressée à d’autres thèmes, toujours engagés, comme le « passage du milieu », qui désigne le chemin emprunté par les esclaves africains, victimes du commerce négrier, et Drexciya, royaume sous-marin mythique, peuplé par les enfants des esclaves enceintes jetées par-dessus bord lors de ces traversées ; ce sujet lui inspire, en 2001, la série de dessins à l’aquarelle Watery Ecstatic. Exposées dès 1995 à la biennale du Whitney Museum of American Art, ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections internationales.
Fanny DRUGEON
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions