Germaine Richier étudie la sculpture à partir de 1920 à l’École des beaux-arts de Montpellier, dans l’atelier de Louis-Jacques Guigues, un ancien praticien de Rodin ; puis à partir de 1926, elle travaille dans celui d’Antoine Bourdelle à Paris, jusqu’à la mort de ce dernier. En 1929, elle épouse Otto Bänninger, sculpteur suisse et praticien du maître. De 1930 à 1933, elle réalise huit nus et 26 bustes. Fidèle à la figuration, elle revisite les formes de la figure et du socle sur lequel elle est posée. Elle met à nu l’espace de la sculpture, dont elle accentue les effets de matière et les artifices de la structure, intégrant ainsi le socle dans l’œuvre. Elle acquiert très vite une notoriété qui lui procure, en outre, des élèves. En 1935, de retour d’un voyage à Pompéi, elle est très marquée par les êtres pétrifiés. L’année suivante, la galerie Kaganovitch lui consacre sa première exposition. Elle reçoit plusieurs prix, dont la médaille d’honneur pour Méditerranée à l’Exposition universelle de 1937 à Paris, et participe aussi à l’Exposition internationale de New York en 1939. Durant la guerre, elle vit avec son époux à Zurich, où elle enseigne. La sculpture qu’elle réalise en 1940, Le Crapaud – titre faisant référence à la pose du modèle –, annonce une esthétique nouvelle dans son œuvre, où se mêlent désormais mondes animal, humain et végétal. Elle sculpte également des bustes (La Chinoise, 1939) et des nus (Juin 40 ; Pomone, 1945), plus ancrés dans le réel. Après avoir exposé à Bâle, Berne, puis Zurich, elle revient en 1946 à Paris dans son atelier, reprend des élèves et poursuit son travail sur les figures hybrides ; scarifiés, ses êtres parlent des blessures laissées par la guerre – car c’est bien l’humain qui est au cœur de sa création, dans le sillage de Rodin et Bourdelle –, mais aussi du lien charnel des hommes à la terre et au règne animal. Afin de réaliser L’Orage (1947-1948), présenté à la Biennale de Venise en 1950, elle prend comme modèle Libero Nardone (1867-1961) – il avait posé dans sa jeunesse pour le Balzac de Rodin –, montrant ainsi son désir de s’inscrire dans une continuité de la sculpture figurative, tout en opérant une rupture stylistique. En 1948, la galerie Maeght organise une grande exposition à Paris. Un numéro de la revue Derrière le miroir lui est consacré et réunit des textes de René de Solier, Georges Limbour et Francis Ponge. En 1949, elle réalise un Christ pour la nouvelle église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d’Assy, qui sera retiré en 1951, la population locale désapprouvant la modernité de ses formes. Ce rejet violent est probablement lié au fait que l’artiste soit une femme qui, selon les ordres religieux, n’a pas accès à la dimension du sacré. La sculpture ne retrouvera sa place qu’en 1971, et sera alors classée monument historique. À partir de 1951, année où elle obtient le Premier prix de sculpture à la première Biennale de São Paulo, elle introduit de la couleur dans ses bronzes : La Ville (1951), dont le fond est peint par la peintre Vieira da Silva* en est le premier exemple. En 1952, elle sculpte La Toupie, avec la collaboration de Hans Hartung. Désireuse de se libérer du carcan de l’espace et des volumes, l’artiste fait aussi de nombreuses gravures, expose régulièrement dans des expositions d’estampes, illustre l’œuvre poétique de Rimbaud par des eaux-fortes. Le Berger des Landes (1951) et Le Griffu (1952) poursuivent son travail sur les fils, commencé avec L’Araignée I, puis Le Diabolo en 1950 : des fils de fer s’entrecroisent dans l’espace, reliant certaines formes entre elles, ainsi qu’au socle de la sculpture. Par ce procédé, il s’agit moins de montrer le mouvement que de le susciter, de le présenter dans ses entraves. Elle participe à la Biennale de Venise en 1952, et à celle de São Paulo en 1953, année où elle réalise La Tauromachie, La Fourmi et L’Eau. Son œuvre est largement montrée à l’étranger. Elle exécute les bustes de Franz Hellens (1955), d’André Chamson (1955), conçoit des œuvres de petite taille avec du plomb, des os de seiche ou encore des plaques de cire et continue à sculpter ses figures fantastiques (L’Hydre, vers 1954-1955). En 1956, une importante rétrospective de son œuvre a lieu au musée national d’Art moderne à Paris, puis elle crée Le Tombeau de l’orage et L’Ombre de l’ouragane, ses deux seules sculptures en pierre. En 1958, elle illustre Contre terre, recueil poétique de R. de Solier (son deuxième époux depuis 1954), et réalise sa dernière grande œuvre colorée, L’Échiquier. L’artiste a juste le temps de préparer sa dernière exposition au château Grimaldi à Antibes, avant de s’éteindre en 1959.
Catherine GONNARD
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions