Très tôt attirée par la peinture et la musique, Hélène Henry n’a pourtant suivi aucune formation spécifique lorsqu’elle arrive à Paris, à 25 ans. Elle commence par acheter un petit métier à main, s’installe dans un atelier et crée des écharpes qu’elle vend à des couturiers comme Worth ou Nicole Groult. En 1923, elle ose montrer des essais à Francis Jourdain, dont les poteries l’inspirent. Il expose ses créations dans sa boutique, la présente à Pierre Chareau et au cercle de leurs amis « modernes ». La même année, elle s’installe dans un atelier plus grand et plus haut de plafond. H. Henry dessine et peint : bandes, rayures, damiers, motifs géométriques ou dégradés subtils d’une seule teinte. Elle expérimente de nouvelles techniques pour juxtaposer ou opposer des matières ou des points de tissage, en invente de nouveaux. Par le jeu des reliefs et des masses, ses créations semblent être réalisées en trois dimensions. Elle est la première en France (après Anni Albers* et Gunta Stölzl, formées au Bauhaus) à utiliser des fibres artificielles, rayonne ou viscose-fibrane, qu’elle croise avec des fils de coton et de laine. En 1925, elle participe à l’ambassade française du pavillon de la Société des artistes décorateurs (Sad), qui lance le style Arts déco lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris, où ses tissus sont exposés dans le bureau-bibliothèque de P. Chareau et dans la salle de repos. Elle quitte la Sad en 1929 pour participer à la fondation de l’Union des artistes modernes (Uam), aux côtés de Sonia Delaunay*, de Charlotte Perriand* et d’Eileen Gray*, entre autres. Elle reçoit des commandes pour la Villa Noailles de Mallet Stevens, à Hyères (1924) ; le palais du maharajah d’Indore (1930) ; le palais de la Société des nations, à Genève ; le paquebot Normandie ; l’Exposition internationale des arts et techniques de Paris en 1937. Ce succès est interrompu par la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, elle participe, avec ses anciens amis de l’Uam, aux expositions de la section « Formes utiles » du Salon des arts ménagers. Mais ses créations, réalisées à la main, en exclusivité pour un client précis, ne trouvent plus preneur : ses remarquables pièces uniques ne peuvent lutter avec les tissus industriels qui arrivent sur le marché européen. Elle supervise cependant le tissage de ses modèles jusqu’à sa mort, en 1965. Une vingtaine d’années après, son talent est redécouvert grâce à des galeristes spécialisés dans les années 1930 et à des expositions comme Les Années UAM, au musée des Arts décoratifs de Paris, fin 1988-début 1989, ou Pierre Chareau, au Centre Pompidou à Paris, (1993-1994).
Joëlle MALICHAUD