Originaire de Nouvelle-Zélande et formée à l’Australian Film, Television and Radio School (AFTRS) de Sydney où étudia avant elle Gillian Amstrong*, Jane Campion est aujourd’hui la plus célèbre des cinéastes « australiennes ». Dès son premier long-métrage, Sweetie (1989), une comédie dramatique sur les rapports complexes entre deux sœurs – l’apparente « anormalité » physique et morale de la cadette affectant la « normalité » de l’aînée –, la réalisatrice construit un univers spécifique dans lequel les personnages féminins sont privilégiés. Un ange à ma table (An Angel at My Table, 1990) est un portrait sensible, adaptation de l’autobiographie de Janet Frame qui, jeune auteure, n’échappa à la lobotomie que parce que le chirurgien avait lu un article de presse mentionnant un prix accordé à sa poésie. Située au XIXe siècle, La Leçon de piano (The Piano, 1993) évoque la séduction sexuelle et l’éveil d’une femme de pionnier muette, interprétée par Holly Hunter. Le film obtient la Palme d’or (partagée) au Festival de Cannes, une première pour une femme depuis la création de cette manifestation. Si elle a contribué à sa renommée internationale, cette récompense a également fait de la cinéaste une source d’inspiration pour nombre de créatrices plus jeunes. J. Campion avait déjà reçu la Palme d’or du court-métrage avec An Exercise in Discipline – Peel (1982). Après une adaptation d’Henry James : Portrait de femme (The Portrait of a Lady, 1996), film d’époque aux riches décors et costumes, la cinéaste s’essaie au thriller (In the Cut, 2003), avant de revenir au XIXe siècle avec Bright Star (2009), dans lequel elle évoque l’amour pur et idéalisé, comme hors du temps, qui lia le poète romantique anglais John Keats à une jeune fille de bonne famille, mais à l’esprit frondeur et à l’imagination fantasque, Fanny Brawne. Filmées, produites et financées dans des pays parfois loin des antipodes, les fictions de J. Campion révèlent l’effet complexe de la mondialisation sur l’identité nationale. En 2014, J. Campion préside le 67e Festival de Cannes.
Deborah SHEPARD