Après des études de littérature française et comparée à Grenoble, Montpellier, puis Paris 8-Vincennes (doctorat d’État), Mireille Calle-Gruber publie plusieurs ouvrages sur les écrivains du Nouveau Roman, en particulier Claude Ollier et Michel Butor dont elle édite les Œuvres complètes (2006-2010) ; sa biographie de Claude Simon (2011) obtient en 2012 le prix du Salon de Nevers. Avec L’Effet-fiction, de l’illusion romanesque (1989), elle commence à penser la critique littéraire en fonction des effets de lecture, et la méthode critique comme indissociable de l’exercice de son écriture (Marguerite Duras, Nelly Kaplan, Unica Zürn, Simone Weil).
Détachée auprès des Affaires étrangères, elle effectue des missions dans divers pays dont le Canada, où elle est élue à l’Académie des arts et lettres de la Société royale en 1997. Professeure à Queen’s University (Ontario), elle découvre les recherches en women’s studies : elle travaille, dès ces années-là, en liaison avec Luce Irigaray, puis avec Jacques Derrida et Philippe Lacoue-Labarthe, enfin avec Hélène Cixous. Elle succède à cette dernière à la tête du Centre d’études féminines de l’université Paris 8, où elle crée un master pluridisciplinaire, « Genres, pensée de la différence, rapports de sexe ». Élue à la Sorbonne Nouvelle en 2006, elle y implante l’équipe qu’elle dirige (Centre de recherches en études féminines et de genres) et met en place un parcours dans un master de lettres modernes : « Études de genre, littératures francophones ». L’originalité de la démarche, conjuguant littérature, philosophie et arts, vient de ce qu’elle articule la question du genre dans sa pluralité (différences sexuelles, études féminines, féminismes) et l’analyse de son inscription dans les formes artistiques. Il s’agit ainsi d’apprendre à lire autrement et à réinterpréter les œuvres selon des relations nouvelles et la dynamique des diversités culturelles. Elle croise, par conséquent, la réflexion théorique et les littératures francophones. Travaillant avec et sur les œuvres d’Assia Djebar, à qui elle consacre deux livres et un colloque à Cerisy-la-Salle, mais aussi sur celles d’Abdelkébir Khatibi et Kateb Yacine, elle s’efforce de déconstruire, là encore, les clivages idéologiques en privilégiant l’attention aux langues d’écriture. « Hospitalités » de la littérature et des arts, « transmission » des œuvres, « mémoire », « poétique de l’archive » sont les modalités novatrices pour une pensée de la générosité et de la responsabilité. L’attention portée au texte est nourrie par une écriture de fiction : l’écrivaine a publié cinq romans d’une prose poétique exigeante.
Bernard ALAZET