Excepté un texte de 12 pages de Gustave de Lafreté situé, comme par mégarde, en avant-dernier chapitre de la monumentale
Encyclopédie des Sports parue en 1924-1926 et
La Femme dans le sport et l’aviation d’un autre journaliste, Jacques Mortane (1937), il faut attendre 1944 pour que
Marie-Thérèse Eyquem*, dans
La Femme et le Sport, essaie de cerner le sujet du sport féminin dans son ensemble. En 1963,
Guillemette de Beauvillé publie la plaquette
Sport et épanouissement féminin. En 1972,
Jeanne Héraud publie
Les Sports au féminin, qui traite nombre d’aspects pratiques, trois ans avant un rapport confidentiel rédigé pour le secrétariat d’État à la Condition féminine par l’ancienne championne de saut en hauteur,
Marie-Christine Debourse, et
Marie-Claire Decoust. Un autre rapport est demandé en 1983 par le ministère du Temps libre, de la Jeunesse et des Sports. Enfin arrive l’ère des chercheurs, avec notamment
Françoise Labridy.
Catherine Louveau anime, aux côtés de Paul Irlinger et
Michèle Métoudi, l’enquête sur
Les Pratiques sportives des Français (1987) pour le Laboratoire de sociologie de l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP), dont une longue partie est consacrée aux « Pratiques sportives et conditions de vie des hommes et des femmes ». C. Louveau cosignera avec
Annick Davisse Sports, école, société, la différence des sexes (1988), qui reprend en la complétant leur étude de 1991 sur « La part des femmes », et ne cessera de mettre en évidence « L’inégalité sur la ligne de départ »
. Ne considérant plus le thème comme indigne de leur intérêt, les hommes s’en mêlent, et tout particulièrement l’école lyonnaise d’histoire du sport, dans le sillage de l’
Histoire du sport féminin en deux tomes (1996) de Pierre Arnaud et Thierry Terret. Ce dernier sera le meneur de jeu, avec
Michelle Zancarini-Fournel*, du numéro 23 de la revue
Clio,
Histoire, femmes et sociétés, consacré en 2006 au
Genre du sport, dans le prolongement du 11
e Carrefour d’histoire du sport (Lyon, 2004) et des quatre volumes
Sport et genre qui en ont résulté sous sa direction (2005). Alors que les monographies consacrées aux champions constituent un secteur prolifique, celles consacrées à des championnes restent minoritaires : le
Suzanne Lenglen de Claude Anet (1927) n’a guère trouvé d’émules, et les cent courtes biographies écrites par René Lane pour un ouvrage collectif,
L’Athlège (1949), ne peuvent être rangées dans ce registre. Quelques publications ont été consacrées à
Micheline Ostermeyer*,
Christine Caron*,
Marie-José Pérec*, ou plus récemment
Laure Manaudou*,
Christine et
Marielle Goitschel*, et
Les Reines du sport (1969) de Georges Dirand et Renaud de Laborderie, mais seul l’ouvrage de
Jeannie Longo*,
Du miel dans mon cartable (1988), est de la même veine que les confidences de l’
Australienne Dawn Fraser* ou de la joueuse de tennis
Martina Navratilova*, publiées d’abord par des éditeurs de langue anglaise. Si
Olympie, la course des femmes (1980) d’A. Davisse, Léo Lorenzi et
Jane Renoux, journaliste à
l’Humanité, laissait un peu le lecteur sur sa faim, deux volumes pour le grand public méritent une place à part. En 1982,
Le Grand Livre du sport féminin de
Françoise Laget, Serge Laget et Jean-Paul Mazot, abordant tous les sports, réunissant une somme considérable de données chronologiques et s’appuyant sur une très riche iconographie, fut aussi novateur qu’intéressant.
Les Déesses du sport (2007) d’Alain Billouin, Henri Charpentier et Serge Laget, est un modèle : 125 portraits, une mise en page et une maquette remarquables, des textes sensibles.
Alice Milliat d’André Drevon (2005) est le premier opus sérieux consacré à une dirigeante exceptionnelle, en même temps qu’étude approfondie et fiable sur l’émergence du sport féminin de compétition avant la Seconde Guerre mondiale. Quant aux tentatives littéraires, le bilan est d’une rare pauvreté. Qu’on apprécie ou non Henry de Montherlant,
Le Songe (1922) comporte certaines pages de haut niveau, telles que « le 1 000 mètres » de Dominique Soubrier, personnage central avec Alban. Les héroïnes de romans et nouvelles de Gilbert Prouteau (
Hilda et le record [1948],
Saison blanche [1950]) sont attachantes. Le reste est d’une faiblesse qui répète à satiété les stéréotypes : la femme en tant que sportive ne compte pas parmi les sources d’inspiration créatrice. En sera-t-il autrement dans la littérature du
XXIe siècle ?
Jean DURRY